que de Callirée je luy representeray, mais les recevra comme tres-veritables, encores qu’impuissantes passions ; et pour la fin, qu’elle me promettra que jamais autre que moy la serve en ceste qualité. Moy qui voyois que chacun y prenoit plaisir, et aussi que veritablement j’aimois Filandre sous les habits de sa sœur, luy respondis, que pour sa seconde et derniere demande, qu’elles luy estoient accordées, tout ainsi qu’elle les sçauroit desirer, que pour la premiere, j’estois si peu accoustumée à faire telles responses, que je m’asseurois qu’elle y auroit peu de plaisir. Toutesfois que pour ne la dedire en rien, j’essayerois de m’en acquitter le mieux qu’il me seroit possible.
A ce mot, se relevant sur un genouil, parce que nous estions assis en rond, me prenant une main, il commença de ceste sorte : Je n’eusse jamais creu, belle maistresse, considerant en vous tant de perfections, qu’il peust estre permis à un mortel de vous aimer, si je n’eusse esprouvé en moy mesme, qu’il est impossible de vous voir, et ne vous aimer point. Mais sçachant bien que le Ciel est trop juste pour vous commander une chose impossible, j’ay tenu pour certain qu’il vouloit que vous fussiez aimée, puis qu’il permettoit que vous fussiez veue, et sur ceste creance j’ay fortifié de raisons la hardiesse que j’avois eue de vous voir, et beny en mon cœur l’impuissance, qui m’a aussi tost soumis à vous, que mes yeux se sont tournez vers vous. Que si les loix ordonnent que l’on donne à chacun ce qui est sien, ne trouvez mauvais, belle bergere, que je vous donne mon cœur, puis qu’il vous est tellement acquis, que si vous le refusez, je le desadvoue pour estre mien. A ce mot il se teut, pour ouyr ce que je luy respondrois, mais avec une façon, que s’il n’eust point eu l’habit qu’il portoit, mal-aisément eust-on peu douter qu’il ne le dist