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humeur, elle en desdaigne les ordonnances. – Vous me croirez telle qu’il vous plaira, luy dis-je, si vous fais-je serment veritable, qu’il n’y a homme au monde que j’aime plus que vous. – Aussi, me repliqua-t’il, n’y a-t’il personne qui vous ayt tant voué de service ; mais ce bon-heur ne me durera, que jusques à ce que meilleur subjet se presente. – Me croyez-vous [luy repliquay-je] si volage que vous me faictes ? – Ce n’est pas [me respondit-il] que je croye en vous les imperfections de l’inconstance ; mais je sçay bien que j’en ay les causes pour les deffauts qui sont en moy. – Le deffaut, luy dis-je, est plustost de mon costé.

Et à ce mot je l’embrassay, et le baisay d’une aussi sincere affection que s’il eust esté ma sœur. Dequoy Daphnis sourioit en soy-mesme, me voyant si bien abusée. Mais Amidor nous interrompant, jaloux [comme je croy], de tous deux : Je pense, dit-il, que c’est à bon escient, et que Callirée ne se mocque point. – Comment, dit-il, me mocquer ?que le Ciel me punisse plus rigoureusement qu’il ne chastia jamais parjure, s’il y eut jamais amour plus violente, ny plus passionnée que celle que je porte à Diane. – Et si vous estiez homme, adjousta Daphnis, sçauriez-vous bien user des paroles d’homme, pour declarer vostre passion ? – Encore, respondit-il, que j’aye peu d’esprit, si est-ce que mon extreme affection ne me laisseroit jamais muette en semblable occasion. – Et voyons, la belle, dit Amidor, si ce ne vous est peine, comme vous vous demesleriez d’une telle entreprise. – Si ma maistresse, dit Filandre, me le permet, je le feray, avec promesse toutesfois qu’elle m’accordera trois supplications que je luy feray : la premiere, qu’elle me respondra à ce que je luy diray ; l’autre, qu’elle ne croira point estre une feinte, ce que sous autre personne