fut bien marry de s’estre descouvert si legerement ; toutesfois voyant que la faute estoit faite, et qu’il ne pouvoit plus retirer la parole qu’il avoit proferée, pensa estre à propos de s’en prevaloir, et luy dit : Voyez, Daphnis, si vous avez occasion de vous douloir de moy, et de dire que je ne me fie pas en vous, puis que si librement je vous descouvre le secret de ma vie ; car ce que je viens de vous dire m’est de telle importance, qu’aussi tost qu’autre que vous le sçaura, il n’y a plus d’esperance de salut en moy. Mais je veux bien m’y fier, et me remettre tellement en vos mains, que je ne puisse vivre que par vous. Sçachez donc, bergere, que vous voyez devant vous Filandre sous les habits de sa sœur, et qu’amour en moy, et la compassion en elle, ont esté cause que nous nous soyons ainsi desguisez.
Et apres luy alla racontant son extreme affection, la recherche qu’il avoit faite d’Amidor, et de Filidas, l’invention de Callirée à changer d’habits, la resolution d’aller trouver son mary vestue en homme ; bref, tout ce qui s’estoit passé en cet affaire, avec tant de demonstration d’amour, qu’encores qu’au commencement Daphnis se fust estonnée de la hardiesse de luy et de sa sœur, si est-ce qu’elle en perdit l’estonnement, quand elle recogneut la grandeur de son affection, jugeant bien qu’elle les pouvoit porter à de plus grandes folies. Et encor que si elle eust esté appellée à leur conseil, lors qu’ils firent ceste entreprise, elle n’en eust jamais esté d’advis, toutesfois voyant comme l’effet en avoit bien reussy, elle resolut de luy aider en tout ce qui luy seroit possible, et n’y espargner ny peine, ny soing, ny artifice qu’elle jugeast despendre d’elle.
Et le luy ayant promis avec plusieurs asseurances d’amitité, elle luy donna le meilleur advis qu’elle peut, qui estoit de m’engager