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elle ouyt que peu apres rehaussant la voix, il dit : Mais, outrecuidé Filandre, qui pourra jamais excuser ta faute, ou quel assez grand chastiment esgalera ton erreur ? Tu aymes ceste bergere, et ne voys-tu pas qu’autant que sa beauté luy commande, autant te le deffend son honnesteté ? combien de fois t’en ay-je adverty ? et si tu ne m’as voulu croire, n’accuse de ton mal que ton imprudence.

A ce mot sa langue se teut, mais ses yeux et ses soupirs en son lieu commencerent à rendre tesmoignage quelle estoit la passion, dont il n’avoit peu descouvrir que si peu. Et pour se divertir de ses pensers, ou plustost pour les continuer plus doucement, il se leva, pour se promener comme de coustume, et si promptement, qu’il apperceut Daphnis, quoy que pour se cacher elle se mist à la fuit ; mais luy qui l’avoit veue, pour la recognoistre, la poursuivit jusques à l’entrée d’un bois de coudriers, où il l’atteignit. Et pensant qu’elle eust descouvert tout ce qu’il avoit tenu si caché, demy en cholere, il luy dit : Et quelle curiosité, Daphnis, est celle-cy, de me venir espier de nuict en ce lieu ? – C’est, respondit Daphnis en sousriant, pour apprendre de vous par finesse ce que je n’eusse sceu autrement. [Et en cela elle pensoit parler à Callirée, n’ayant pas encor descouvert qu’il fust Filandre.] – Et bien, reprit Filandre, pensant estre descouvert, quelle si grande nouveauté y avez-vous apprise ? – Toute celle, dit Daphnis, que j’en voulois sçavoir. – Vous voilà donc, dit Filandre, bien satisfaite de votre curiosité. – Aussi bien, respondit-elle, que vous l’estes, et le serez mal de vostre ruse, car tout ce sejour pres de Diane, et toute ceste grande affection que vous luy faites paroistre, ne vous rapporteront en fin que de l’ennuy, et du deplaisir. – O dieux, s’écria Filandre, est il possible que je sois descouvert ? Ah ! discrette