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grands, et ses attentes vaines,
Ses amours pleins de feux, et plus encor de peines,
Qu’il aime, et que jamais il ne puisse estre aimé,
Ou bien s’il est aimé, qu’on ne puisse luy plaire,
Sans devoir esperer, toutesfois qu’il espere,
Mais seulement à fin qu’il soit plus enflamé.

Ainsi sur mon berceau de la Parque ordonnée,
Neuf fois se prononça la dure destinée,
qui devoit infallible accompagner mes jours.
a main droite le ciel tonna plein de nuages,
et depuis j’ay cogneu que ces tristes presages
regardent mes desseins, et les suivent tousjours.

ne vous estonnez donc, suivant ceste ordonnance ;
si voyant vos beautez, mon amitié commence ;
que si je suis puny du dessein proposé,
ce m’est allegement, qu’on en juge coulpable
la loy de mon destin, et ma faute louable,
en disant qu’un cœur bas ne l’eust jamais osé

ainsi quand le soucy d’une amour infeconde
se conforme aux rayons du grand astre du monde,
il semble en le suivant qu’il die : on mon soleil,
brusle moy de tes raiz, fay que par toy je meure,
pour le moins en mourant ce plaisir me demeure,
qu’autre feu ne pouvoit me brusler que ton œil.

quand l’unique phœnix d’un artifice rare
instruit par la nature ensemble se prepare
du reste de sa tombe à faire son berceau,
il dit à ce beau feu, gardien de son ame :
je renais en la gloire en mourant en ta flamme,
et je reprends la vie aux cendres du tombeau.

il en dit bien encores quelques autres, mais je les ay oubliez tant y a qu’il me sembla que c’estoit à moy à qui ces paroles s’adressoient. et je ne sçay si ce que daphnis m’en avoit dit me le faisoit paroistre ainsi, ou ses