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plus sensible de ce costé là, m’y estant de sorte endurcie, que l’amour n’a plus d’assez fortes armes, ny de pointe assez acerée pour me percer la peau. helas ! c’est du berger filandre, dont je veux parler, filandre qui le premier m’a peu donner quelque ressentiment d’amour, et qui n’estant plus, a emporté tout ce qui en pouvoit estre capable de moy. – vrayement, interrompit astrée, ou l’amitié de filandre a esté peu de chose, ou vous y avez usé d’une grande prudence, puis qu’en verité je n’en ouys jamais parler ; qui est chose bien rare, d’autant que la médisance ne pardonne pas mesme à ce qui n’est pas. – que l’on n’en ait point parlé, respondit diane, j’en suis plus obligée à nostre bonne intention, qu’à nostre prudence, et pour l’affection du berger, vous pourrez juger quelle elle estoit, par le discours que je vous en feray, mais le ciel qui a recogneu nos pures et nettes intentions, a voulu nous favoriser de ce bon heur. la première fois que je le veis, ce fut le jour que nous chommons à apollon, et à diane, qu’il vint aux jeux en compagnie d’une sœur, qui luy ressembloit si fort, qu’ils retenoyent sur eux les yeux de la plus grande partie de l’assemblée. et parce qu’elle estoit parente assez proche de ma chere daphnis, aussi tost que je la vey, je l’embrassay et caressay avec un visage si ouvert, que dés lors elle se jugea obligée à m’aimer. elle se nommoit callirée, et estoit mariée sur les rives de furan à un berger nommé gerestan, qu’elle n’avoit jamais veu que le jour qu’elle l’espousa, qui estoit cause du peu d’amitié qu’elle luy portoit. les caresses que je fis à la sœur donnerent occasion au frere de demeurer pres de moy, tant que le sacrifice dura. et par fortune, je ne sçay si je. dois dire bonne ou mauvaise pour luy, je m’estois ce jour agencée le mieux que j’avois peu, me semblant qu’à cause de mon nom, ceste feste me touchoit