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ce ne l’est pas, repliqua Diane, c’est pour le moins un portrait de la faute, et si ressemblant que bien souvent ils sont pris l’un pour l’autre. – Ceux, adjousta Phillis, qui s’y deçoivent ainsi, ont bien la veue mauvaise. – II est vray, respondit Diane, mais c’est nostre mal-heur, qu’il y en a plus de ceste sorte, que non pas des bonnes. – Vous nous offenseriez, interrompit Astrée, si vous aviez ceste opinion de nous. – L’amitié que je vous porte à toutes deux, respondit Diane, vous doit assez asseurer, que je n’en sçaurois faire mauvais jugement : car il est impossible d’aimer ce que l’on n’estime pas. Aussi ce qui me met en peine, n’est pas l’opinion que mes amies peuvent avoir de moy, mais ouy bien le reste du monde, d’autant qu’avec mes amies je vivray tousjours de sorte, que mes actions leur seront cogneues, et par ce moyen l’opinion ne peut avoir force en elles, mais aux autres, il m’est impossible ; si bien qu’envers elles les rapports peuvent beaucoup noircir une personne, et c’est pour ce sujet, puis que vous m’ordonnez de vous raconter une partie de ma vie, que je vous conjure par nostre amitié de n’en parler jamais. Et le luy ayant juré toutes deux, elle reprit son discours en ceste sorte.

Histoire de Diane

Ce seroit chose estrange, si le discours que vous desirez sçavoir de moy, ne vous estoit ennuyeux, puis, belles et discretes bergeres, qu’il m’a tant fait endurer de desplaisir, que je ne croy point y employer à ceste heure plus de paroles à le redire, qu’il m’a cousté de larmes à le souffrir. Et puis qu’en fin il vous plaist que je renouvelle ces fascheux ressouvenirs, permettez-moy que j’abrege, pour n’amoindrir en quelque sorte le bon-heur où je suis, par la mémoire de mes ennuis passez : Je m’asseure qu’encores que vous n’ayez jamais veu Celion, ny Bellinde, que toutesfois vous avez bien