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plus particulierement, elle vint repasser au mesme lieu, où elle les avoit rencontrées, puis estendant la veue de tous les costez, il luy sembla bien d’en voir quelques unes. Mais ne les pouvant recognoistre pour estre trop loing, avec un grand tour, elle s’en approcha le plus qu’elle peut, et lors, les voyant au visage, elle cogneut que c’estoient les mesmes qu’elle cherchoit. Elle devoit estimer beaucoup ceste rencontre, car de fortune elles estoient sorties de leur hameau, en délibération de passer le reste du jour ensemble, et pour couler plus aisément le temps, faisoient dessein de n’estre qu’elles trois, afin de pouvoir plus librement parler de tout ce qu’elles avoient de plus secret, si bien que Leonide ne pouvoit venir plus à propos, pour satisfaire à sa curiosité, mesme qu’elle ne faisoient qu’y arriver.

Estant doncques aux escoutes, elle ouyt qu’Astrée, prenant Diane par la main, luy dit ; C’est à ce coup, sage bergere, que vous nous payerez ce que vous nous avez promis, puis que sur la parole que nous avons eue de vous, Phillis, et moy, n’avons point fait de difficulté de dire tout ce que vous avez, voulu sçavoir de nous. – Belle Astrée, respondit Diane, ma parole m’oblige sans doute à vous faire le discours de ma vie, mais beaucoup plus l’amitié qui est entre nous, sçachant bien que c’est estre coulpable d’une trop grande faute, que d’avoir quelque cachette en l’ame, pour la personne que l’on aime. Que si j’ay tant retardé de satisfaire à ce que vous desirez de moy, croyés, belles bergeres, que c’a esté, que le loisir ne me l’a encore permis, car encor que je sois tres asseurée, que je ne sçaurois vous raconter mes jeunesses sans rougir, si est-ce que ceste honte me sera aisée à vaincre, quand je penseray que c’est pour vous complaire. – Pourquoy rougiriez-vous, res-pondit Phillis, puis que ce n’est pas faute que d’aimer ? – Si