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qu’elle l’eut, elle la déchira, et s’approchant du feu luy en fit un sacrifice et puis, se tournant vers le berger, elle luy dit en sousriant : Il ne tiendra plus qu’à vous, gentil berger, que vous ne poursuiviez vostre voyage car il est des-ja tard. – 0 Dieu ! s’escria Lysis cognoissant sa tromperie, est-il possible que jusques à trois fois j’aye esté deceu d’une mesme personne. – Et quelle occasion, luy dit Stelle, avez-vous de dire que vous ayez este trompe ? Ah ! perfide et desloyale, dit-il, ne venez-vous pas de me dire que vous me feriez paroistre que ceste derniere faute n’a este faite que pour reparer la premiere, et que pour me monstrer que jous estiez constante, vous me descouvririez au nud vostre cœur et vos intentions? – Lysis, dit-elle, vous venez tousjours aux injures. Si je ne vous ay jamais aimé, ne suis-je constante à ne vous aimer point encores ? et ne vous fay-je voir quel est mon cœur ? et a quoy tendent mes actions, puis qu’ayant eu ce que je voulois de vous, je vous laisse en paix ? Crovez que toutes les paroles que vous m avez fait perdre depuis une heure en çà, n’estoient que pour recou­vrer ce papier, et à ceste heure que je l’ay, je prie Dieu qu il vous donne le bonsoir.

Quel estonnement pensez-vous que fut celuy du berger ? Il fut si grand, que sans parler, ny temporiser d’avantage, demy hors de sov, il s’en alla chez luy.

Mais certes il a bien eu depuis occasion d’estre venge, car Semire, comme je vous ay dit, qui avoit esté la cause de mon mal, ou plustost de mon bien, telle puis-je nommer ceste separation d ami­tié, se ressentant encor offensé du premier mespris qu elle avoit fait de luy, voyant ceste extreme legereté, et considerant que peut-estre luy en pourroit-elle faire encore de mesme, resolut de la prevenir. Et ainsi, l’ayant abusée, comme nous l’avions esté, Lysis et moy, il rompit le traitté de mariage au milieu de l’assem­blée