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à me r’amener ; tout cecy fut sans le sceu d’Aminthe, de laquelle plus que de nulle autre Stelle se cachoit. Lors que j’eus receu une telle asseurance de ce que je desirois le plus, apres en avoir remercié la bergere, je commençay avec sa permission de donner ordre aux nopces, et ne faisois plus difficulté d’en parler ouvertement, quoy que Lysis me predit tousjours bien, qu’en fin je serois trompé. Mais l’apparence du bien que nous desirons, flatte de sorte, que mal-aisément prestons nous l’aureille à qui nous dit le contraire.

Cependant que ce mariage s’alloit divulgant, Semire, qui, comme je vous ay dit, avoit quitté ceste recherche à cause de Lysis et de moy, estant picqué des discours qu’elle avoit tenus de luy, resolut pour faire paroistre le contraire, à quelque prix que ce fust, de rentrer en ses bonnes graces, en dessein de la quitter par apres si effrontément, qu’elle ne peust plus dire que ceste separation procedast d’elle. Il ne fallut pas y apporter beaucoup d’artifice, car son humeur changeante se laissa aisément aller à son naturel, et ainsi tout à coup la voilà resolue de me quitter pour Semire, comme peu auparavant elle avoit quitté Semire pour moy. Si n’est oit-elle pas sans peine, à cause de la promesse qu’elle avoit escritte, ne sçachant. comment s’en desdire.

En fin le jour des nopces estant vertu, où j’avois assemblé la plus part de mes parents et amis, je m’en tenois si asseuré, que j’en recevois la resjouissance de tout le monde. Mais elle qui pensoit bien ailleurs, lors que je n’estois attentif qu’à faire bonne chere à ceux qui estoient venus, rompit tout à fait ce traitté, avec des excuses encores plus mal basties que les premières, dequoy je me sentis tant offensé, que, partant de chez elle sans luy dire adieu, je conceus un si grand mespris de sa legereté, que jamais depuis elle n’a peu rappointer avec moy.