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tant s’en faut qu’il ait esté peu advisé en ceste election, que s’il avoit monstre autant de jugement au reste de ses actions, il ne seroit pas tant nécessiteux de vostre secours. Il a esprouvé vos affetteries, il sçait quels sont vos attraits, et de qui se fust-il peu servir sans soupçon de se faire plustost un compétiteur qu’un amy favorable, sinon de moy, qui vous hays plus que la mort ? Et toutesfois l’artifice dont je me sers, n’est pas mauvais, car vous representant si naïfvement ce que vous estes, vous recognoistrés mieux l’honneur qu’il vous fait de vous aimer. Mais laissons ce propos, et me dites à bon escient, s’il est en vos bonnes graces, et combien il y demeurera ? puis qu’en verité je n’oserois retourner à luy sans luv en apporter quelque bonne response ; je vous en conjure par son amitié, et par la nostre passée.

A ce propos le berger en adjousta quelques autres avec tant de prieres, que la bergere creut qu’il le disoit à bon escient, ce qu’elle mesme se persuada aisément selon son naturel ; car c’est la coustume de celles qui s’affectionnent aisément, de croire encore plus aisément d’estre aimées. Si est-ce que, pour ceste fois, Lysis ne peut obtenir d’elle, si non que l’amitié de son cousin, au deffaut de la sienne, ne luy estoit point desagreable, mais que le temps seroit son conseil. Et depuis, par diverses fois, il la sollicita, de sorte qu’il en eut toute telle asseurance qu’il voulut, et parce qu’il se ressouvint de son humeur volage, il tascha de l’obliger par une promesse escrite de sa main, et la sceut tourner de tant de testez, qu’il en eut ce qu’il voulut.

Il s’en revint de ceste sorte vers moy, et me fit le discours de tout ce qu’il avoit fait, hormis de ceste promesse, car, cognoissant l’humeur de Stelle, il se doutoit tousjours qu’elle le tromperoit, et que, s’il me parloit de ce papier, ce seroit m’y embarquer d’avan­tage, et puis plus de peine