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voicy une lettre qu’il vous escrit : j’ay opinion que s’il a failly, vous luy en ferez bien faire.la penitence.

Et parce que Stelle ne vouloit lire ma lettre, Lysis l’ouvrant la luy leut tout haut.

Lettre de Corilas A Stelle

Il est bien impossible de vous voir sans vous aymet, mais plus encore de vous aymer sans estre extreme en telle affection; que si pour ma deffense il vous plaist de considerer ceste verité, quand ce papier se presentera devant vos yeux, je m’asseure que la grandeur de mon mal obtiendra par pitié, autant de pardon envers vous, que l’outrecuidance qui m’esleve à tant de merites, pourrait meriter de juste punition. Attendant le jugement que vous en ferez, permettez que je baise mille et mille fois vos belles mains, sans pouvoir par tel nombre esgaler celuy des morts, que le refus de ceste supplication me donnera, ny des felicitez qui m’accompagneront, si vous me recevez, comme veritablement je suis, pour vostre tres-affectionné et fidelle serviteur.

Soudain que Lysis eut achevé de lire, il continua : Et bien, Stelle, de quelle mort mourra-t’il ? pour combien en sera-t’il quitte ? Pour moy, je commence à le plaindre, et vous à penser par quel moyen vous l’entretiendrez en opinion où il est, et puis comme vous luy ferez trouver vos refus plus amers.

Ces discours touchoient à bon escient ceste bergere, voyant combien il estoit esloigné de l’aimer, de sorte que pour l’inter­rompre, elle fut contrainte de luy dire : Il me semble, Lysis, que si Corilas est en la volonté que ce papier fait paroistre, il a esté peu advisé de vous y employer, puis que vos paroles sont plus capables d’acquerir de la haine que de l’amitié, et que vous semblez plustost messager de guerre, que de paix. — Stelle, repliqua le berger,