la haine en doit estre d’autant plus grande. Toutesfois ayant sceu par Stelle mesme, que je ne puis parvenir à ce que je desire que par vostre moyen, je vous adjure par nostre amitié, de m’y vouloir aider, soit en le luy conseillant, soit en la priant, ou de quelque sorte.que ce puisse estre et je nomme celle cy une extreme preuve ; car je ne doute point que la haïssant, il ne vous ennuye de parler à elle, mais c’est mon amitié qui veut faire paroistre qu’elle est plus forte que la haine.
Lysis fut bien surpris, attendant de moy toute autre priere que celle-ci, par laquelle, outre le desplaisir qu’il avoit de parler à Stelle, encor se voyoit-il à jamais privé de la personne qu’il aimoit le plus. Toutesfois il respondit : Je feray tout ce que vous voudrez, vous ne vous sçauriez promettre d’avantage de moy, que j’en ay de volonté. Mais ressouvenez vous de ce qui s’est passé entre nous, et que j’ay tousjours ouy dire, qu’aux messages d’amour, il se faut servir de personnes qui ne sont point hayes. Il est vray qu’il ne faut pour Stelle y regarder de si pres, puis que je vous asseure, que vous y ferez aussi bien vos affaires de ceste sorte que d’une autre.
Voilà donc le pauvre Lysis au.lieu d’amant devenu messager d’amour, mestier que son amitié luy commanda de faire pour moy, non point par acquit, mais en intention de m’y servir en amy, quoy que peut-estre depuis l’amour luy fist en quelque sorte changer ce dessein, comme je vous diray. Mais en cela il faut accuser la violence d’amour, et le pouvoir trop absolu qu’il a sur les hommes, et admirer là l’amitié qu’il me portoit, qui luy permit de consentir à se priver à jamais de ce qu’il aymoit, pour me le faire posseder. Quelques jours apres, recherchant la commodité de parler à elle, il la trouva si à propos chez elle, qu’il n’y avoit personne qui peust interrompre son discours, pour long qu’il le voulust faire. Et lors, renouvellant le souvenir de l’injure qu’il en avoit eue,