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y furent appelez. Et parce que nous sommes fort proches parents, Olympe et moy, je ne voulus faillir de m’y trouver. Je ne sçay si ce fut vengeance d’amour, ou que le naturel inconstant de la bergere, par son bransle incertain, la rapportast d’où elle estoit partie, tant y a qu’elle ne revid pas si tost Lysis, qu’il luy reprit fantasie de le r’appeller et pour cest effet n’oublia nulles de ses affetteries, dont la nature luy a esté imprudemment prodigue. Mais le courage offensé du berger luy donnoit d’assez bonnes armes, non pas pour ne l’aimer, mais pour cacher seulement son affection. Enfin sur le soir que chacun estoit attentif, qui à danser, et qui à entretenir la personne plus à son gré, elle le poursuivit de sorte, que le serrant contre une fenestre, d’où il ne pouvoit honnestement eschapper, il fut contrainct de soustenir les efforts de son ennemie.

D’autre costé, Semire qui avoit tousjours l’œil sur elle, ayant remarqué les poursuites qu’elle avoit faites tout le soir à ce berger, suivant le naturel de tout amant, commença à laisser naistre quelque jalousie en son ame, sçachant bien que la mesche nouvellement estainte se r’allume fort aisément. Et voyant qu’elle avoit serré Lysis contre la fenestre, à fin d’ouyr ce qu’elle luy disoit, faignant de parler à quelqu’autre, il se mit si pres d’eux, qu’il ouyt qu’elle luy demandoit pourquoy il la fuyoit si fort. – Vrayement, respondit Lysis, c’est me poursuivre à outrance, et avec trop d’effronterie. – Mais encore, reprit Stelle, que je sçache d’où procedent ces injures ; peut-estre que m’ayant ouye, et jugeant sans passion, tout le mal ne sera du costé de celuy que vous pensez. – Pour Dieu, respondit Lysis, bergere, laissez moy en paix et qu’il vous suffise que ces injures procedent de la haine que je vous porte, et l’occasion de ma haine, de vostre legereté,