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te menace. Et puis changeant un peu de voix, je luy dis: Et je suis tres-aise qu’avant mon depart j’aye esté si heureux, que de vous avoir donné cest advis, car encor que je ne sois point de ceste contrée, si est-ce que vostre vertu et vostre pieté envers les dieux m’obligent à vous aimer, et à prier Hecate qu’elle vous conserve et rende heureuse. Et par là vous voyez que je suis du tout à ceste déesse, puis que m’ayant commandé de partir dans demain, sans luy contredire, je m’y resous, et vous dis adieu.

A ce mot, je les mis hors de la cabane, et leur ostant les herbes que je leur avois mises autour, je les bruslay dans le feu qui estoit encor allumé, et puis me retiray.

Je vous veux dire a ceste heure, pourquoy je luy dis que ce fust à la pleine lune, car vous vous estes fasché que je luy ay donné si long terme; je l’ay fait, afin que Lindamor fust party, avant qu’elle y allast, n’y ayant pas apparence qu’Amasis le luy eust permis auparavant. Et puis encor falloit-il que vous, qui deviez prendre la charge de toute la province, eussiez un peu de loisir de demeurer pres d’Amasis, apres le depart de tous ces chevaliers, pour y commencer à donner quelque ordre. Plus que d’aller si promptement à la chasse, chacun en eust murmuré : d’autant que vous sçavez combien une personne qui se mesle de I’Estat, est sujette aux envies et calomnies. Je luy donnay les trois lunes apres, afin que si vous y failliez un jour, vous y peussiez estre l’autre. Je luy dis, que si elle vous voyoit le premier, qu’elle vous aymeroit facilement, que si c’estoit vous, ce seroit au contraire, et cela seulement pource que je sçavois bien que vous seriez le premier à la voir, si bien qu’elle trouveroit veritable en elle mesme ceste difficulté d’amour; car comme vous sçavez, elle aime Lindamor. Je luy dis, que je devois partir le lendemain, à fin