vous ay dicte, gardez-vous-en, si vous aimez vostre contentement, La bonne, c’est celle-cy que vous voyez dans ce miroir. Remarquez donc bien le lieu que je vous y ay fait voir, et afin de vous en mieux ressouvenir, apres que j’auray parlé à vous, retournez le voir, et le remarquez bien, car le jour que la lune sera au mesme estat, qu’elle est aujourd’huy, environ ceste mesme heure, un peu plus tost, ou un peu plus tard, vous trouverez celuy que vous devez aimer; s’il vous void avant que vous luy, il vous aimera, mais difficilement le pourrez vous aimer; au contraire, si vous le voyez la premiere, il aura de la peine à vous aimer, et vous l’aimerez incontinent. Si faut-il, comme que ce soit, que par vostre prudence vous surmontiez ceste contrarieté: resolvez-vous donc, et de vous vaincre, et de le vaincre, s’il est de besoin, car sans doute avec le temps vous y parviendrez. Que si vous ne le rencontrez la premiere fois, retournez-y la lune d’apres au mesme jour, et environ ceste mesme heure, et continuez ainsi jusques à la troisiesme, si à la seconde vous ne l’y rencontrez: Hecate ne veut pas bien m’asseurer du jour. Les Dieux se plaisent de mettre de la peine en ce qu’ils veulent nous donner, afin que l’obeissance qu’en cela nous leur rendons, soit tesmognage combien nous les estimons.
Lors, prenant une petite houssine, je m’approchay du miroir, et luy monstray avec le bout tous les lieux. Voyez-vous, luy disois-je, voilà la montaigne d’Isoure, voilà Mont-verdun, voilà la riviere de Lignon. Or voyez-vous la Cala à ce bord de deçà, et un peu plus bas la Pra: allant à la chasse vous y avez passé souvent, vous pourrez bien le recognoistre. Or, nymphe, Hecate te mande encor par moy, que si tu n’observes ce qu’elle t’a declaré, et ce que tu luy as promis, elle augmentera le malheur dont le destin