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moy : O grande Hecate, qui presides aux palus stygieux, ainsi jamais le chien à trois testes ne t’aboye quand tu y descendras, ainsi tes autels fument tousjours d’agreables sacrifices, comme je te promets tous les ans de les charger d’un semblable à cestuy-cy, pourveu, grande déesse, que par toy je voye ce que je te requiers.

A ceste derniere parole, je touchay les poils de cheval, ausquels la petite aiz estoit suspendue, qui estant laschée tomba, et sans manquer donnant sur le caillou, fit le feu accoustumé, avec une flamme si prompte, que Galathée fut surprise de frayeur. Mais je la retins, et luy dis : Nymphe, n’ayez peur, c’est Hecate qui vous monstre ce que vous demandez. Lors la fumée peu à peu se perdant, le miroir se vid, mais un peu troublé de la fumée de ce feu, qui fut cause que prenant une esponge mouillée, que je tenois expressément au bout d’une canne, je passay deux ou trois fois sur la glace, qui la rendit fort claire. Et de fortune le soleil se leva en mesme temps, donnant si à propos sur le papier peint, qu’il paroissoit si bien dans le miroir, que je ne l’eusse sceu desirer mieux. Apres qu’elles y eurent regardé quelque temps, je dis a Galathée : Ressouviens toy, nymphe, qu’Hecate te fait sçavoir par moy, qu’en ce lieu que tu vois representé dans ce miroir, tu trouveras un diamant à demy perdu. qu’une belle et trop desdaigneuse a mesprisé, croyant qu’il fust faux, et toutesfois il est d’inestimable valeur, prend le et le conserve curieusement. Or ceste riviere, c’est Lignon; ceste Saulsaye qui est deçà, c’est le costé de Mont-verdun, au dessus de ceste colline, où il semble qu’autrefois la riviere ait eu son cours : remarque bien le lieu, et t’en ressouviens. Puis tirant la nymphe à part, je luy dis: Mon enfant, vous avez, comme je vous ay dit, une influence infiniment mauvaise, et une autre la plus heureuse qu’on puisse desirer. La mauvaise, je la