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brebis qui n’avoyent point esté cogneues du bellier, dont la laine noire et longue ressembloit à de la soye, tant elle estoit douce et deliée ; je conduisis ces animaux sans les frapper sur la fosse, où m’estant tourné du costé de l’occident, je les poussay sur le bord, de la main gauche, et de l’autre je prins le poil qui estoit entre les cornes, et le jettay dedans le creux, y respandant ensemble du laict, de la farine, du vin, et du miel. Et apres avoir appellé quatre fois Hecate, je mis le cousteau dans le cœur des animaux l’un apres l’autre, et en receus le sang dans une tasse, et puis r’appellant encore Hecate, je le laissay tomber peu à peu dedans. Lors me semblant qu’il ne restoit plus rien à faire, je me relevay sur le bout des pieds, et faisant comme le transporté, je dis aux nymphes : Voicy le dieu, il est temps. Et prenant Galathée par la main, nous entrasmes tous quatre dedans. Je m’estois rendu farouche, j’avois les yeux ouverts, et rouans dans la teste, la bouche entr’ouverte, l’estomach pantelant, et le corps comme tremoussant par le sainct enthousiasme. Estant pres de l’autel, je dis : O saincte deité, qui presides en ce lieu, donne moy que je puisse respondre à ceste nymphe avec verité, sur ce qu’elle m’a demandé. Le lieu estoit fort obscur, et n’y avoit clarté que celle que deux petits flambeaux donnoient, qui estoient allumez sur l’autel, et le jour qui estoit des-ja assez grand donnoit un peu de clarté à l’endroit où estoit le papier peint, afin qu’il se peust mieux representer dans le miroir.

Apres avoir dit ces mots, je me laissay choir en terre, et ayant tenu quelque temps la teste en bas, je me relevay, et m’adressant à Galathée, je luy dis : Nymphe aimée du Ciel, tes veux et tes sacrifices ont esté reçus, la deité que nous avons reclamée, veut que par la veue, et non seulement par l’ouye, tu sçaches où tu dois trouver ton bien. Approche toy de cest autel, et dy apres