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il y a bien de la comparaison du visage de Leonide à celuy de Galathée. – En cela, respondit Climanthe, vous pourriez avoir quelque raison ; mais croyez-moy, qui le sçay pour l’avoir veu, le visage de Leonide est ce qui est de moins beau en son corps. – Or je luy conseille donc, dit Polemas tout en colere, qu’elle cache le visage, et qu’elle monstre ce qu’elle a de plus beau ; mais voyez-vous, vous aviez les yeux troublez, tant pour l’obscurité du lieu, que pour avoir tout l’entendement à vostre entreprise, de sorte qu’en ce temps-là mal aisément en pouviez vous faire quelque bon jugement. Mais laissons cela à part et continuez vostre discours, je vous supplie.

Leonide qui escoutoit tous ces propos, voyant avec quel mespris Polemas parloit d’elle, se ressentit de sorte offensée contre luy, que jamais depuis elle ne luy peust pardonner, et au contraire quoy qu’elle voulust mal à la ruse de Climanthe, si l’aimoit-elle en quelque sorte s’oyant louer, car il n’y a rien qui chatouille d’avantage une fille que la louange de sa beauté, et mesme quand elle est hors de soupçon de flatterie. Cependant qu’elle estoit en ces pensers, elle ouyt qu’il continuoit ainsi :

Or ces trois belles nymphes s’en revindrent vers moy, et me trouverent au devant de ma caverne, où je faisois une fosse pour le sacrifice, d’autant que soudain qu’elles avoient commencé de se r’habiller, je m’en estois revenu, et avois eu le loisir d’en faire une partie. Je la creusai d’une coudée et de quatre pieds en rond, puis j’allumay trois feux à l’entour, d’encens, d’ache, de pavot, et avec un encensoir, je parfumay le lieu trois fois en rond, et autant ma cabane, et puis je leur entournay le corps de verveine, et leur fis a chacune une couronne de pavot, et mis dans leur bouche du sel, que je leur fis mascher.

Apres je pris trois genices noires, et les plus belles que j’eusse sceu choisir, et neuf