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Puis qu’il est ainsi, me respondit-elle, je vous conjure, mon pere, par la divinité que vous servez, de me dire quel il est. – C’est, luy dis-je, une autre personne, que si vous l’espousez, vous vivrez avec toute la felicité qu’une mortelle peut avoir. – Et qui est-il ? respondit incontinent Galathée. – Belle nymphe, luy dis-je, ce que je vous dy ne vient pas de moy, c’est d’Hecate que je sers. De sorte que si je ne vous en dy d’avantage, ne croyez pas que ce soit faute de volonté, mais c’est qu’elle ne me l’a point encor descouvert, et cela d’autant que je n’en ay pas eu la curiosité. Mais si vous en avez envie, observez les choses que je vous diray, et vous en sçaurez tout ce qui sera necessaire, car encor que liberalement les dieux fassent les biens aux hommes qu’il leur plaist, si veulent-ils estre recogneus pour dieux, et les sacrifices des mortels leur agreent, donnent de n’estre point ingrats des biens receus.

Apres quelques autres propos, ceste nymphe fort interditte me dit, qu’elle ne desiroit rien d’avantage, et qu’elle observeroit tout ce que j’ordonnerois. Il est temps à ceste heure, luy dis-je, car la lune est en son plein, ou peu s’en faut, et si vous la laissez décroistre, vous ne le pourrez plus. Et puis je luy fis le mesme commandement que j’avois fait à Silvie et à Leonide, de se laver avant jour dans le ruisseau voisin, la jambe et le bras, et venir de ceste sorte avec un chappeau de verveine, et une ceinture de fougere devant ceste caverne, et que j’y tiendrois preparé ce qui seroit necessaire pour le sacrifice ; mais qu’il ne falloit pas que ceux qui y assisteroient, fussent en autre estat qu’elle. – Et bien, me dit-elle, j’y viendray avec deux de mes nymphes, et si secrettement que personne n’en sçaura rien ; mais advisez à ne me parler devant elles en sorte qu’elles sçachent asseurément cet affaire, car elles tascheroient