autres pour estre instruites, et plusieurs pour sçavoir ce si que l’on disoit de moy, n’estoit point controuvé, et fallut que j’usasse de grandes ruses. Quelques fois pour échapper, je disois que ce jour là estoit un jour muet pour la deité que je servois, une autre fois que quelqu’un avoit l’offensée, et qu’elle ne vouloit point respondre, que je ne l’eusse appaisée par jeusnes. D’autres fois je mettois des conditions aux ceremonies que je leur faisois faire, qu’ils ne pouvoient parachever qu’avec beaucoup de temps, et quelques fois quand le tout estoit finy, j’y trouvois à dire, ou qu’ils n’avoient pas bien observé tout, ou qu’ils en avoient trop ou trop peu fait ; et par ainsi je les faisois recommencer, et allois gaignant le temps. Pour le regard de ceux dont quelque chose m’estoit cogneue, je les dépeschois assez promptement, et cela estoit cause que les autres desireux d’en sçavoir autant que les premiers, se sousmettoient à tout ce que je voulois.
Or, durant ce temps, Amasis me vint voir, et avec elle Galathée. Apres que j’eus satisfait à Amasis sur ce qu’elle me demandoit, qui fut en somme de sçavoir quel seroit le voyage que Clidaman avoit entrepris, et que je luy eus dis qu’il courroit beaucoup de fortune, qu’il seroit blessé, et qu’il se trouveroit en trois batailles avec le prince des Francs, mais qu’en fin il s’en reviendroit avec toute sorte d’honneur et de gloire, elle se retira de moy fort contente, et me pria que je recommandasse son fils à la deité que je servois.
Mais Galathée, beaucoup plus curieuse que sa mere, me tirant à part, me dit : Mon pere, obligez moy de me dire ce que vous sçavez de ma fortune. Alors je luy dis, qu’elle me monstrast la main, je la regarday quelque temps, puis je la fis cracher trois fois en terre, et ayant mis le pied gauche dessus, je la tournay du costé du soleil levant, et je la fis