entray en ma cabane sans parler à elles. Et par ce que je me doutay bien qu’elles auroient assez de curiosité pour venir voir ce que je ferois, je m’en allay devant l’autel, où faisant semblant de me mettre en terre, je tiray les poils de cheval, qui faisant leur effect, laisserent tomber la petite aiz ferrée qui estoit devant le miroir, qui donna si à propos sur le caillou, qu’il fit feu, et en mesme temps se prit à la composition, qui estoit au dessous, si bien que la flamme en sortit avec tant de promptitude, que ces nymphes, qui estoient à la porte, voyant au commencement esclairer le miroir, puis tout à coup le feu si prompt, et violent, prirent une telle frayeur, qu’elles s’en retournerent avec beaucoup d’opinion, et de ma saincteté, et du respect envers la divinité que je servois. Ce commencement pouvoit-il estre mieux conduit que cela ? – Non certes, respondit Polemas, et je juge bien, quant à moy, que toute personne qui n’en eust point esté advertie, s’y fut aisément trompée.
Cependant que Climanthe parloit ainsi, Leonide l’escoutoit, si ravie hors d’elle-mesme, qu’elle ne sçavoit si elle dormoit ou veilloit ; car elle voyoit bien que tout ce qu’il racontoit, estoit tres-veritable, et toutesfois elle ne pouvoit bonnement croire que cela fust ainsi. Et, cependant qu’elle disputoit en elle-mesme, elle ouyt que Climanthe recommençoit : Or ces nymphes s’en allerent, et ne puis sçavoir asseurément quel rapport elles firent de moy, si est-ce que par conjecture il y a apparence qu’elles dirent à chacun les choses admirables qu’elles avoient veues. Et comme la renommée augmente tousjours, la cour n’estoit pleine que de moy ; et certes en ce temps-là j’eus de la peine à continuer mon entreprise, car une infinité de personnes vindrent me voir, les unes par curiosité, les