Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/213

Cette page n’a pas encore été corrigée

j’y accomoday le papier peint, où j’avois tiré si au naturel le lieu que je voulois monstrer à Galathée, qu’il n’y avoit personne qui ne le recogneut. Et à fin que ceux qui seroient en bas, s’ils tournoient les yeux en haut ne le vissent, du costé où l’on entroit, j’entrelassay des branches, et des fueilles de telle sorte ensemble, qu’il estoit impossible ; et parce que si l’on eust approchée l’autre, se tournant de l’austre costé, on eust sans doute veu mon artifice, [l57/l58] je fis à l’entour un assez grand cerne, où je mis les encensoirs de rang, et deffendois à chacun de ne les outre-passer point.

Au devant du miroir, il y avait une aiz, sur laquelle Hecate estoit peinte : ceste aiz avoit tout le bas ferré d’un fusil, et comme vous sçavez, elle ne tenoit qu’à quelques poils de cheval, si deliez, qu’avec l’obscurité du lieu, il n’y avoit personne qui les peust apercevoir ; aussi tost que l’on les tiroit, l’aiz tomboit, et de sa pesanteur frappoit du fusil sur une pierre si à propos, qu’elle ne manquoit presque jamais de faire feu. J’avois mis au mesme lieu une mixtion de soulphre, et de salpestre, qui s’esprend de sorte au feu qui le touche, qu’il s’en esleve une flamme, avec une si grande promptitude, qu’il n’y a celuy qui n’en demeure en quelque sorte estonné : ce que j’avois inventé pour faire croire que c’estoit une espece, ou de divinité, ou d’enchantement ; tant y a que je trouvay le tout si bien disposé, qu’il me sembloit qu’il n’y avoit rien à redire. Apres toutes ces choses, je commençay quelques fois à me laisser voir, mais rarement, et soudain que je prenois garde que l’on m’avoit apperceu, je me retirois en ma loge où je faisois semblant de ne me nourrir que de racines, parce que la nuict j’allois acheter à trois ou quatre lieues de là, avec d’autres habits, tout ce qui m’estoit necessaire.

Dans peu de jours plusieurs se prirent