Histoire de la tromperie de Climanthe
Apres que nous nous fusmes separez, et que vous m’eustes fait cognoistre Galathée, Silvie, Leonide, et les autres nymphes d’Amasis, aussi bien de veue que je les cognoissois desja par les discours que vous m’en aviez tenus, je creus qu’une des principales choses qui pouvoient servir à nostre dessein, estoit de sçavoir comme seroit vestu Lindamor le jour de son depart. Car vous sçavez que Clidaman et Guyemants, s’en estans allez trouver Meroüée, Amasis commanda à Lindamor de le suivre avec tous les jeunes chevaliers de ceste contrée, afin que Clidaman fust recogneu de Meroüée pour celuy qu’il estoit ! Et par malheur, il sembloit que Lindamor eust plus de dessein de faire tenir sa sa livrée secrette, qu’il n’avoit jamais eu. Si est-ce que j’allay si bien espiant l’occasion, qu’un soir qu’il estoit au milieu de la rue, j’ouys qu’il commanda à un de ses gens d’aller chez le maistre qui luy faisoit ses habits, pour luy apporter le hoqueton qu’il avoit fait faire pour le jour de la monstre, parce qu’il le vouloit essayer : et d’autant qu’il avoit espressement deffendu de ne le laisser voir à personne, il luy donna une bague pour contre-signe. Je suivis d’assez loin cest homme pour recognoistre le logis, et le lendemain à bonne heure, sçachant le nom du maistre, j’entray effrontement en sa maison, et luy dis que je venois de la part de Lindamor, parce qu’Amasis le presoit de partir, et qu’il craignoit que ses habits ne fussent pas faits à temps, et que je ne m’en fiasse point à ce qu’il m’en diroit, mais que je les visse moy-mesme pour luy en rapporter la verité. Et puis continuant, je luy dis : Il m’eust donné la bague que vous sçavez pour contre-signe, mais il m’a dit, qu’il suffisoit que je vous disse, qu’hier au soir il avoit envoyé querir le hoqueton, et que celuy qui le vint demander,