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peu remises, ces trois bergeres se leverent pour s’en aller, tout ce qu’elle peut faire, ce fut d’éveiller Silvie pour les luy monstrer. Aussi tost qu’elle les apperceut, elle recogneut Astrée, quoy qu’elle fust fort changée, pour le déplaisir qu’elle avoit de la perte de Celadon. – Et les autres deux, dit Leonide, qui sont-elles ? – L’une, dit-elle, qui est à main gauche, c’est Diane, fille de la sage Bellinde, et de Celion. Et suis bien marrie que nous ayons si longuement dormy, car je m’asseure que nous eussions bien appris de leurs nouvelles, y ayant apparence que l’occasion qui les a esloignées des autres, n’a esté que pour parler plus librement. – Vrayement, respondit Leonide, j’advoue n’avoir jamais rien veu de plus beau qu’Astrée, et faisant comparaison d’elle à toutes les autres, je la trouve du tout avantagée. – Considerez, repliqua Silvie, quelle esperance doit avoir Galathée de divertir l’affection du berger.

Ceste consideration toucha bien aussi vivement Leonide, pour son subjet propre, que pour celuy de Galathée. Toutesfois Amour qui ne vit jamais aux despens de personne, sans luy donner pour payement quelque espece d’esperance, ne voulut point traitter ceste nymphe plus avarement que les autres, et ainsi, quoy qu’il n’y eust pas grande apparence, ne laissa de luy promettre que peut-estre l’absence d’Astrée et l’amitié qu’elle luy feroit paroistre, luy pourroient faire changer de volonté. Et apres quelques autres discours, ces nymphes se separerent, Leonide prenant le chemin de Feurs, et Silvie celuy d’Isoure, cependant que les trois belles bergeres ayant ramassé leurs troupeaux, s’alloient peu à peu retirant dedans leurs cabanes.

A peine avoient-elles mis le pied dans le grand pré, où sur le tard on avoit accoustumé de s’assembler, qu’elles apperceurent Lycidas