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Le plus accort amant, lors qu’elle se deguise,
De ses trompeurs attraits ne se peut retirer :
Il faut estre sans cœur pour ne point desirer
D’estre si doucement deceu par sa feintise.
Je me trompe moy-mesme au faux bien que je voy,
Et mes contentements conspirent contre moy.
Traistres miroirs du cœur, lumieres infidelles,
Je vous recognois bien et vos trompeurs appas :
Mais que me sert cela, puis qu’Amour ne veut pas,
Voyant vos trahisons, que je me garde d’elles ?


Apres s’estre teu quelque temps, Aminthe luy dit : Et quoy, Celadon, vous ennuyez-vous si tost ? – Je crains plustost, dit-il, d’ennuyer celle à qui en toute façon je ne veux que plaire. – Et qui peut-c’estre, dit-elle, puis que nous sommes seuls ? Ah ! qu’elle se trompoit bien, et que j’y estois bien pour ma part, et aussi cherement qu’autre qui fust de la troupe ! Ce n’est aussi que vous, respondit Celadon, que je crains d’importuner ; mais si vous me le commandez, je continueray. – Je n’oserois, repliqua la bergere, user de commandement, où mesme la priere est trop indiscrette. – Vous userez, reprit le berger, des termes qu’il vous plaira ; mais en fin je ne suis que vostre serviteur. Et lors il recommença de ceste sorte.

MADRIGAL
Sur la ressemblance de sa dame & de luy.

Je puis bien dire que nos cœurs
Sont tous deux faits de roche dure :
Le mien resistant aux rigueurs,
Et le vostre, puis qu’il endure
Les coups d’amour et de mes pleurs.

Mais considerant les douleurs,
Dont j’eternise ma souffrance,
Je dis en cette extremité,