fait de feindre d’aimer les autres bergeres. Toutesfois voulant faire la fine, pour dissimuler mon desplaisir, je respondis à Semire que je n’avois jamais ny creu, ny voulu que Celadon me particularisast plus que les autres ; que s’il sembloit que nous eussions quelque familiarité, ce n’estoit que pour la longue cognoissance que nous avion eue ensemble, mais quant à ses recherches, elle m’estoient indifferentes. Or, me respondit lors ce cauteleux : Je loue Dieu que vostre humeur soit telle, mais puis qu’il est ainsi, il ne peut estre que vous ne preniez plaisir d’ouyr les passionez discours qu’il tient à son Aminthe.
Il faut que j’advoue, sage Diane, quand j’ouys nommer Aminthe sienne, j’en changeay de couleur. Et parce qu’il m’offroit de me faire ouyr leurs paroles, il me sembla que je ne devois fuir de recognoistre la perfidie de Celadon, helas ! plus fidelle, que moy bien avisée. Et ainsi j’acceptay cest offre, et certes il ne faillit pas à sa promesse ; car peu apres il s’enrevint courant m’asseurer qu’il les avoit laissez assez pres de là, et que Celadon avoit la teste dans le giron d’Aminthe, qui des mains luy alloit relevant le poil, me racontant ces particularitez pour me piquer d’avantage. Je le suivis, mais tant hors de moy, que je ne me ressouviens, ny du chemin, que je fis, ny comme il me fit approcher si pres d’eux, sans qu’ils m’apperceussent. Depuis j’ay jugé que ne se souciant point d’estre ouys, ils ne prenoient garde à ceux qui les escoutoient ; tant y a que je m’en trouvay si pres, que j’ouys Celadon, qui luy respondoit : Croyez-moy, belle bergere, qu’il n’y a beauté qui soit plus vivement emprainte en une ame, que celle qui est dans la mienne. – Mais, Celadon, respondit Aminthe, comment est-il possible qu’un cœur si jeune que le vostre puisse avoir assez de dureté pour retenir longuement ce