de m’en avoir tant dit, il se reprit ainsi : Semire, Semire, que penses-tu faire ? ne vois-tu pas qu’elle se plaist en ceste tromperie ? pourquoy la veux-tu mettre en peine ? Et lors s’adressant à moy, il continua : Je voy bien, belle Astrée, que mes discours vous ont rapporté du desplaisir ; mais pardonnez-le moy, qui n’y ay esté poussé que par l’affection que j’ay à vostre service. – Semire, luy dis-je, je vous suis obligée de ceste bonne volonté, mais je le serois encor d’avantage, si vous paracheviez ce quenvous avez commencé. – Ah ! bergere, me respondit-il, je ne vous en ay que trop dit ; mais peut-estre le recognoistrez vous mieux avec le temps, et lors vous jugerez que veritablement Semire est vostre serviteur.
Ah le malicieux ! combien fut-il veritable en ses mauvaises promesses, car depuis je n’en ay que trop recogneu pour me laisser le seul desir de vivre. Si est-ce pour lors il ne voulut m’en dire d’avantage, afin de m’en donner plus de volonté. Et quand il eut opinion que j’en avois assez, un jour que selon ma coustume je le pressois de me faire sçavoir la fin de mon contentement, et que je l’eus conjuré par le pouvoir que j’avois eu autrefois sur luy, de me dire entierement ce qu’il avoit commencé, il me respondit : Belle bergere, vousnme conjurez tellement, que je croirois faire une trop grande faute de vous desobeir. Si voudrois-je ne vous en avoir jamais commencé le propos, pour le desplaisir que je prevoy que la fin vous rapportera.
Et apres que je l’eus asseuré du contraire, il me sceut si bien persuader que Celadon aimoit Aminthe, fille du fils de Cleante, que la jalousie, coustumiere compagne des ames qui aiment bien, commença de me persuader que cela pouvoit estre vray, et ce fut bien un mal-heur extreme, qu’alors je ne me ressouvins point du commandement, que je luy, que je luy avois