qui plein de couardise,
T’en vas plaignant si longuement
Une ame toute de feintise :
Lors que tu sceus son changement,
Ou tu devois soudain mourir,
Ou bien incontinent guerir.
La solitude de Celadon eust esté beaucoup plus longue sans le commandement qu’Alcippe fit à Lycidas de chercher son frere, ayant en soy-mesme fait dessein [puis qu’aussi bien voyoit-il que sa peine luy estoit inutile] de ne contrarier plus à ceste amitié ; mais Lycidas eust longuement cherché sans une rencontre qui nous advint ce jour-là mesme.
J’estois sur le bord de Lignon, et tenois les yeux sur son cours, resvant pour lors à la perte de Celadon, et Phillis et Lycidas parloient ensemble un peu plus loin, quand nous vismes de petites balottes qui alloient nageans sur l’eau. La premiere qui s’en prit garde fut Phillis, qui nous les monstra, mais nous ne peusmes deviner ce que ce pouvoit estre. Et parce que Lycidas recogneut la curiosité de sa maistresse, pour luy satisfaire, il s’avança le plus avant qu’il peut en l’eau, et fit tant avec une longue branche, qu’il en prit une. Mais voyant que ce n’estoit que cire, parce qu’il s’estoit mouillé, et qu’il se faschoit d’avoir pris tant de peine pour chose qui valoit si peu, il la jetta de dépit en terre, et si à propos, que frappant contre un gros caillou, elle se mit toute en pieces, et n’en resta qu’un papier, qui avoit esté mis dedans, que Phillis courut incontinent prendre, et l’ayant ouvert, nous y leusmes tels mots.
Va t’en, papier, plus heureux que celuy qui t’envoye, revoir les bords tant aimez où ma bergere demeure ; et si accompagné des pleurs dont je vay grossissant ceste riviere, il t’advient de baiser le sablon où ses pas sont imprimez, arrestes-