de l’avoir faite, la vint donner à un berger, qui avoit accoustumé de servir chez sa mere, disant qu’elle l’avoit eue de luy. Et parce que ce pauvre berger s’en sentoit fort innocent, il la refusa et la rabroua de sorte, qu’elle, qui estoit faite au badinage, le poursuivit jusques dans la chambre de Lupeandre mesme ; el là, quoy que le berger la refusast, elle mit l’enfant au milieu de la chambre, et s’en alla. On nous a dit que Lupeandre se courrouça fort, et Olimpe aussi à ce berger ; mais la conclusion fut, qu’Olimpe se tournant vers sa mere : Encor ne faut-il, luy dit-elle, que ceste petite creature demeure sans estre nourrie ; elle ne peut mais de la faute d’autruy, et ce sera une œuvre agreable aux dieux de la faire eslever. La mere, qui estoit bonne et charitable, s’y acorda ; et ainsi Olimpe retira sa fille aupres d’elle.
Cependant Celadon estoit chez Forelle, où l’on luy faisoit toute la bonne chere qu’il se pouvoit, et mesme Malthée avoit eu commandement de son pere de luy faire toutes les honnestes caresses qu’elle pourroit. Mais Celadon avoit tant de desplaisir de nostre separation, que toutes leurs honnestetez luy tenoient lieu de supplice, et vivoit ainsi avec tant de tristesse, que Forelle ne pouvant souffrir le mespris qu’il faisoit de sa fille, en advertit Alcippe, afin qu’il ne s’attendit plus à ceste alliance, qui ayant sceu la resolution de son fils, esmeu, comme je croy, de pitié, fit dessein d’user encore une fois de quelque artifice, et apres cela ne le tourmenter point d’avantage. Or pendant le sejour que Celadon fit pres de Malthée, mon oncle Phocion fit en sorte, que Corebe, tres-riche et honneste, me vint rechercher, et parce qu’il avoit toutes les bonnes parties qu’on eust sceu desirer, plusieurs en parloient desja, comme si le mariage eust esté resolu. De quoy Alcippe se voulant servir, fit la ruse que je