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Alors Astrée reprit ainsi : Soudain que ceste bergere se fut offerte, Lycidas l’accepta fort effrontément, et dés lors il envoya un jeune berger à Moin, pour luy amener la sage femme de ce lieu, les yeux clos, à fin qu’elle ne sceust discerner où elle alloit. Diane alors, comme toute estonnée, mit le doigt sur la bouche, et dit : Belle bergere, cecy n’a pas esté si secret que vous pensez, je me ressouviens d’en avoir ouy parler. – Je vous supplie, dit Phillis, racontez nous comme vous l’avez ouy dire, pour sçavoir s’il a esté redit à la verité. – Je ne sçay, adjousta Diane, si je m’en pourray bien ressouvenir ; le pauvre Filandre fut celuy qui m’en fit le conte, et m’asseura qu’il l’avoit appris de Lucine la sage femme, à qui mesme il estoit arrivé, et qu’elle n’en eust jamais parlé, si on se fust fié en elle.

Un jour qu’elle se promenoit dans le parc, qui est entre Montbrison et Moin, avec plusieurs autres ses compagnes, elle vid venir à elle un jeune homme, qu’elle ne cognoissoit point, et qui à son abord luy fit des recommandations de quelques unes de ses parentes, qui estoient à Feurs, et puis luy en dit quelques particularitez, à fin de la separer un peu des autres femmes qui estoient avec elle. Et lors qu’il la vid seule, il luy fit entendre qu’une meilleure occasion le conduisoit vers elle : Car c’est, luy dit-il, pour vous conjurer par toute la pitié que vous eustes jamais, de vouloir secourir une honneste femme, qui est en danger, si vous luy refusez vostre aide. La bonne femme fut un peu surprise d’ouyr changer tout à coup ce discours, mais le jeune homme la pria de celer mieux son estonnement, et qu’il esliroit plustost la mort, que si on venoit à soupçonner cest affaire ; et Lucine s’estant r’asseurée, et ayant promis qu’elle seroit secrette, et qu’il luy dist seulement en quel temps elle se devoit tenir preste. Ne faites