prenoit garde, ne recogneust que l’affection de son fils envers moy n’estoit pas du tout esteinte. Et pour s’en asseurer, il veilla si bien ses actions, que remarquant avec quelle curiosité il alloit tous les jours à ce vieil saule, où nous mettions nos lettres, un matin il s’y en alla le premier, et apres avoir longuement cherché, prenant garde à la foulure que nous avions faite sur l’herbe pour y estre allez si souvent, il se laissa conduire, et le trac le mena droit au pied de l’arbre, où il trouva une lettre que j’y avois mise le soir ; elle estoit telle.
lettre d’Astrée à Celadon
Hier nous allasmes au temple, où nous fusmes assemblées pour assister aux honneurs qu’on fait à Pan, et à Siringue en leur chommant ce jour : j’eusse dit festoyant, si vous y eussiez esté, mais l’amitié que je vous porte est telle, que ny mesmes les choses divines, s’il m’est permis de le dire ainsi, sans vous ne me peuvent plaire. Je me trouve tant incommodée de nos communs importuns, que sans la promesse que j’ay faicte de vous escrire tous les jours, je ne sçay si aujourd’huy vous eussiez eu de mes nouvelles : recevez-les donc pour ce coup de ma promesse.
Quand Alcippe eut leu ceste lettre, il la remit au mesme lieu, et se cachant pour voir la response, son fils ne tarda pas d’y venir, et ne se trouvant point de papier rescrivit sur le dos de ma lettre. Et m’a dit depuis que la sienne estoit telle.
Lettre de Celadon à la bergere Astrée
Vous m’obligez et desobligez en mesme temps ; pardon, si ce mot vous offense. Quand vous me dites que vous m’aimez, puis-je avoir quelque plus grande obligation à tous les dieux ? Mais l’offense n’est pas petite, quand ceste