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en elle
Quelque seur fondement ?
Helas ! c’est vainement.

Car plustost pour ma peine
Ce que je vay tracer
Sur l’inconstante arene
Ferme se doit penser,
Que pour mon advantage
En son ame volage
Je jette onc en l’aimant
Quelque seur fondement.

Peu apres nous ouysmes que s’estant teu pour quelque temps, il reprenoit ainsi la parole avec un grand Helas ! et levant les yeux au ciel : O Dieu ! si vous estes en colere contre moy, parce que j’adore avec plus de devotion l’oeuvre de vos mains que vous mesme, pourquoy n’avez-vous compassion de l’erreur que vous me faites faire ? que si vous n’aviez agreable que Phillis fust adorée, ou vous deviez mettre moins de perfections en elle, ou en moy moins de cognoissance de ses perfections ; car n’est-ce profaner une chose de tant de merite, que de luy offrir moins d’affection ?

Je croy que ce berger continua assez longuement semblables discours, mais je ne les peuz ouyr, parce que Phillis me prenant par force sous le bras, m’emmena avec elle. Et lors que nous fusmes un peu éloignées, je luy dis : Mauvaise Phillis, pourquoy n’avez-vous pitié de ce berger que vous voyez mourir à vostre occasion ? – Ma soeur, me respondit-elle, les bergers de ceste contrée sont si dissimulés, que le plus souvent leur coeur nie ce que leur bouche promet ; que si sans passion nous voulons regarder les actions de cestuy-cy, nous cognoistrons qu’il n’y a rien qu’artifice. Et pour les paroles que nous venons d’ouyr, je juge quant à moy, que nous ayant veues de loin, il s’est expressement mis sur nostre