de ſi dangereux. – Quelque hazard qu’il y ait (respondit Celadon tout haut) je ne me desdiray jamais de ce que je vous ay dit, et en deussé-je donner le coeur pour gage. – En semblables promesses, repliqua Corilas, on n’offre jamais une moindre asseurance que celle-là, et toutesfois il y en a fort peu, qui quelque temps apres ne s’en desdient. – Quiconque, adjousta le berger, fera difficulté de courre la fortune dont vous me menacez, je le croiray pour homme de peu de courage. – C’est vertu, respondit Corilas, d’estre courageux, mais c’est une folie aussi d’estre temeraire. – A la preuve, repliqua Celadon, on cognoistra quel je suis ; et cependant je vous promets encore un coup, que je ne m’en desdiray jamais.
Et parce que je faisois semblant de ne prendre garde à leurs discours, adressant sa parole à moy, il me dit : Et vous, belle bergere, quelle opinion en avez-vous ? – Je ne sçay, luy respondis-je, dequoy vous parlez. – Il m’a dit, reprit Corilas, que pour tirer un grand bien d’un grand mal, il voudroit que la haine de vos peres fust changée en amour entre les enfans. – Comment, respondis-je, faisant semblant de ne le cognoistre pas, estes-vous fils d’Alcippe ? Et m’ayant respondu qu’ouy, et de plus mon serviteur. Il me semble, luy dis-je, qu’il eust été plus à propos que vous vous fussiez mis aupres de quelqu’autre, qui eust eu plus d’occasion de l’avoir agreable que moy. – J’ay bien ouy dire, repliqua Celadon, que les dieux punissent les erreurs des peres sur les enfans, mais entre les hommes cela n’a jamais esté accoustumé. Ce n’est pas qu’il ne doive estre permis à vostre beauté, qui est divine, d’user des mesmes privileges des dieux ; mais si cela est, vous devez aussi comme eux le pardon quand on le vous demande. – Est-ce ainsi, berger, interrompit Corilas, que vous commencez vostre combat en criant mercy ? – En tel combat, respondit-il, estre vaincu c’est une espece de victoire, et quant à moy je