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qu’elle n’en parloit pas plus clairement à Phillis, pour n’y avoir encore que huict ou dix jours qu’elles se hantoient si familierement, leur dit, que ce n’estoit pas son dessein de leur apporter de la contrainte. Et vous, belle bergere, dit-elle se tournant vers la triste Astrée, me donnerez occasion de croire que vous ne m’aimez pas, si vous usez moins librement envers moy, que envers Phillis, puis qu’encore qu’il n’y ait pas si long temps, que j’ay le bien de vostre conversation, si ne devez-vous moins estre asseurée de mon affection que de la sienne. Phillis alors luy respondit : Je m’asseure qu’Astrée parlera tousjours devant vous aussi franchement que devant elle mesme, son humeur n’estant pas d’estre amie à moitié, et depuis qu’elle s’est jurée telle, il n’y a plus de cachette en son ame. – Il est certain, continua Astrée, et ce qui m’empesche d’en parler d’avantage, ce n’est seulement que remettre le fer dans une playe ne sert qu’à l’envenimer. – Si est-ce, repliqua Diane, qu’il faut bien souvent user du fer pour les guerir ; et quant à moy, il me semble que de dire librement son mal à une amie, c’est luy en remettre une partie. Et si j’osois vous en prier, ce me seroit une très-grande satisfaction, de sçavoir quelle a esté vostre vie, tout ainsi que je ne feray jamais difficulté de vous raconter la mienne, quand vous en aurez la curiosité. – Puis que vous le voulez ainsi, respondit Astrée, et que vous avez agreable de participer à mes ennuis, je veux donc que par apres vous me fassiez part de vos contentements, et que cependant vous me permettiez d’user de briefveté en ce discours, que vous desirez sçavoir de moy ; aussi bien une histoire si mal-heureuse que la mienne, ne peut plaire que pour estre courte. Et s’estant toutes trois assises en rond, elle reprit la parole de ceste sorte.