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l’endroit le plus couvert, elles s’endormirent l’une aupres de l’autre. Et cependant qu’elles reposoient, Astrée, Diane et Phillis vindrent de fortune conduire leurs trouppeaux en ce mesme lieu, et, sans voir les nymphes, s’assirent aupres d’elles. Et parce que les amitiez qui naissent en la mauvaise fortune, sont bien plus estroittes et serrées, que celles qui se conçoivent dans le bonheur, Diane qui s’estoit liée d’amitié avec Astrée, et Phillis, depuis le desastre de Celadon, leur portoit tant de bonne volonté, et elles à elle, que presque de tout le jour elles ne s’abandonnoient. Et certes Astrée avoit bien besoin de consolation, puis que presque au mesme temps elle perdit Alcé et Hippolyte ses pere et mere : Hippolyte pour la frayeur qu’elle eut de la perte d’Astrée, lors qu’elle tomba dedans l’eau, et Alcé pour le desplaisir de la perte de sa cher compagne ; qui toutesfois fut à Astrée un foible soulagement, pouvant plaindre la perte de Celadon sous la couverture de celle de son pere et de sa mere.

Et comme je vous ay dit, Diane, fille de la sage Bellinde, pour ne manquer au devoir de voisinage, l’allant plusieurs fois visiter, trouva son humeur si agreable, et Astrée la sienne, et Phillis celle de toutes deux, qu’elles se jurerent ensemble une si estroitte amitié, que jamais depuis elles ne se separerent, et ce jour avoit esté le premier, qu’Astrée estoit sortie de sa cabane. De sorte que ses deux fidelles compagnes se trouverent avec elle, mais elle ne fut plustost assise, qu’elle n’aperceut de loin Semire, qui la venoit trouver. Ce berger avoit esté long temps amoureux d’Astrée, et ayant recogneu qu’elle aimoit Celadon, il avoit esté cause de leur mauvais mesnage, s’estant persuadé qu’ayant chassé Celadon, il obtiendroit aisément son lieu ; il s’en venoit la trouver, afin de commencer son dessein, mais il fut fort deceu. Car Astrée ayant recogneu sa finesse,