de moy, qu’à peine me peut-elle souffrir aupres de luy. Or, ma soeur, si ceste vie vient à se sçavoir, comme il n’en faut point douter, puis qu’il n’y a rien de si secret qui ne se descouvre, jugez que c’est qu’on dira de nous, et quelle opinion nous aurions de quelqu’autre, à qui semblable chose fust arrivée. J’ay fait tout ce qui m’a esté possible pour l’en distraire, mais ç’a esté sans effect ; c’est pourquoy je suis resolue de la laisser aimer, puis qu’elle veut aimer, pourveu que ce ne soit point à nos despens. Je vous fais tous ce discours, pour vous dire qu’il me sembleroit trés à propos d’y chercher quelque bon remede, et que je ne voy point un moyen plus aisé, que par l’entremise de mon oncle, qui en viendra bien à bout par son conseil et par sa prudence. – Ma soeur, respondit Silvie, je loue infiniment vostre dessein, et pour vous donner commodité de conduire Adamas vers elle, je m’en retourneray d’icy, et diray que j’ay esté chez Adamas, et que je n’ay trouvé ny vous, ny luy. – Il sera donc à propos, respondit Leonide, que nous allions nous reposer dans quelque buisson, afin qu’il semble que vous m’ayez cherchée plus long temps, aussi bien suis-je si lasse qu’il faut que je dorme un peu, si je veux achever mon voyage. – Allons, ma soeur, repliqua Silvie, et croyez que vous ne faites peu pour vous, d’oster Celadon d’entre nous, car je prevoy bien à l’humeur de Galathée, qu’avec le temps il vous raporteroit beaucoup de desplaisir.
A ce mot, elles se prirent par la main, et regardant ou elles pourroient passer une partie du jour, elles virent un lieu de l’autre costé de Lignon, qui leur sembla si à propos, que passant sur le pont de la Boteresse, et laissant Bonlieu, sejour des druydes et vestales à main gauche, et descendant le long de la riviere, elles vindrent se mettre dedans un gros buisson, qui estoit tout joignant le grand chemin, et de qui l’espaisseur rendoit en tout temps un agreable sejour, où apres avoir choisi