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des secrets de Galathée, qui en mesme temps appella Silvie qui se promenoit en une autre allée, toute seule, à qui, contre son dessein, elle ne peut s’empescher, en se plaignant de Leonide, de faire sçavoir ce que jusques alors elle luy avoit couché. Mais Silvie, encor que jeune, toutesfois pleine de beaucoup de jugement pour r’accommoder toutes choses, tascha d’excuser Leonide au mieux qu’il luy fut possible, jugeant bien que si sa compagne se despitoit, et que ces choses vinssent à estre sceues, elles ne pouvoient que rapporter beaucoup de honte à sa maistresse. Et c’est pourquoy elle luy dit apres plusieurs autres propos : Vous sçavez bien, madame, que jamais vous ne m’avez rien descouvert de cest affaire, et toutesfois je vous en diray de telles particularitez, que vous ne m’en jugerez pas tant ignorante, comme je le vous ay fait paroistre, mais mon humeur n’est pas de m’entremettre aux choses où je ne suis point appellée. Il y a desja quelque temps, que voyant ma compagne si assidue aupres de Celadon, je soupçonnois que l’amour en fut cause, et non pas la compassion de son mal, et parce que c’est chose qui nous touche à toutes, je me resolus avant que de luy en parler, d’en estre bien asseurée. Et dés lors j’espiay ses actions de plus pres que de coustume, et fis tant qu’avant-hier je me mis en la ruelle du lict du berger, cependant qu’il dormoit, et peu apres Leonide entra, qui en poussant la porte, l’esveilla sans y penser ; et, apres plusieurs discours communs, elle vint à parler de l’amitié qu’il avoit portée à la bergere Astrée, et Astrée à luy. Mais, dit-elle, croyez moy, berger, que ce n’est rien, au prix de l’affection que Galathée vous porte. – A moy ? dit-il. – Ouy, à vous, repliqua Leonide, et n’en faites point tant l’estonné, vous sçavez combien de fois je le vous ay dit, encor est-elle plus grande que mes paroles. – Belle nymphe, respondit le berger, je ne merite,