Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/143

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il ne s’en puisse plus retirer. – Asseurez-vous, madame, repliqua Leonide, que ce n’est point respect, mais sottise, qui le rend ainsi mescognoissant ; car je veux bien advouer, comme vous sçavez, qu’asseurément il est vray qu’il aime Astrée, mais s’il avoit du jugement, ne la mespriseroit-il pas pour vous, qui meritez, sans comparaison, beaucoup d’avantage ? Et toutesfois, il est si mal advisé, qu’à tous les coups que je luy parle de vous, il ne me respond qu’avec les regrets de l’éloignement de son Astrée, qu’il represente avec tant de desplaisirs, que l’on jugeroit que le sejour qu’il fait ceans luy est infiniment ennuyeux. Et, ce matin mesme, l’oyant souspirer, je luy en ay demandé la cause ; il m’a fait des responses qui émouvroient des pierres à pitié, et en fin la conclusion a esté, que je vous requisse qu’il s’en peust aller. – Ouy, repliqua Galathée, rouge de colere, et ne pouvant disssimuler sa jalousie, confessez verité, Leonide, il vous a émeue. – Il est vray, madame, il m’a émeue de pitié, et me semble, puis qu’il a tant d’envie de s’en aller, que vous ne devez point le retenir par force, car l’amour n’entre jamais dans un coeur à coups de fouet. – Je n’entends pas, repliqua Galathée, qu’il vous ait esmeue de pitié, mais n’en parlons plus. Peut-estre quand il sera bien sain, ressentira-t’il aussi tost les effets du despit qu’il a fait naistre en moy, que ceux de l’amour qu’il a produits en vous ; cependant, pour parler franchement, qu’il se resolve de ne partir point d’ici à sa volonté, mais à la mienne. Leonide voulut respondre, mais la nymphe l’interrompit : Or sus, Leonide, luy dit-elle, c’est assez, contentez-vous que je n’en dis pas d’avantage, allez seulement, ma resolution est celle là.

Ainsi Leonide fut contrainte de se taire, et de s’en aller, ressentant de telle sorte ceste injure, qu’elle resolut dés lors de se retirer chez Adamas, son oncle, et ne recevoir jamais plus le soucy