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de longue main semblables coups, et qu’il se ressouvint, que les deffaveurs qui partent de celles que l’on sert, doivent le plus souvent tenir lieu de faveurs. Et me souvient que sur ce discours, il se disoit le plus heureux amant du monde, puis que les ordinaires deffaveurs qu’il recevoit de Silvie, ne pouvoyent le mettre en doute, qu’elle n’eust beaucoup de memoire de luy, et qu’elle ne le recogneust pour son serviteur, et que puis qu’ele ne traittoit point de ceste sorte avec les autres, qui ne luy estoient point particulierement affectionnez, il faisoit croire que ceste monnoye estoit celle, dont elle payoit ceux qui estoient à elle, et que telle qu’elle estoit, il la falloit cherir, puis qu’elle avoit ceste marque. Et sur ce sujet, il m’envoya ces vers avant que partir.

Sonnet


Elle le veut ainsi, ceste beauté supreme,
Que ce soit l’impossible, et non ce que je puis,
Qui luy fasse l’esay de ce que je luy suis ?
Et bien, elle le veut, et je le veux de mesme.

Enfin elle verra que mon amour extreme,
En sa source ressemble à la source du puis,
Car plus elle voudra m’espuiser par ennuis,
Et puis elle verra qu’infiniment je l’ayme.

La source qui produit ma belle affection,
Est celle-là sans plus de sa perfection,
Eternelle en effect, comme elle est eternelle.

Donc, essays rigoureux de mon cruel destin,
Puisez incessamment, mon amour est sans fin
Et plus vous puiserez, plus elle sera belle.

Leonide eust continué son discours, n’eust esté que de loing elle vid venir Galathée, qui apres avoir demeuré longuement seule, et ne pouvant plus long temps se priver de