ardents, et à l’autre mon espoir gelé. – Si cela est, luy repliquay-je soudain, d’où vient que je vous oys si souvent dire que vous bruslez, et d’autres fois que vous gelez ? – Ah ! me respondit-il avec un grand souspir, courtoise nymphe, le mal dont je me plains, ne me tourmente pas par dehors ; c’est au dedans, et encores si profondement, que je n’ay cachette en l’ame si reculée, où je n’en ressente la douleur. Car il faut que vous sçachiez, qu’en tout autre, le feu, et le froid sont incompatibles ensemble ; mais moy, j’ay dans le cœur continuellement le feu allumé, et la froid glace, et en ressens sans soulagement le seule incommodité.
Silvie ne tarda plus longuement à luy faire ressentir ses cruautez accoustumées que jusqu’à la fin de cette parole. Encores crois-je qu’elle ne luy donna pas mesme du tout le loisir de la proferer, tant elle avoit d’envie de lui faire esprouver ses pointures, veu que se tournant vers moy, comme sousriant, elle dit, en panchant desdaigneusement la teste de son costé : O que Ligdamon est heureux d’avoir, et le chaud, et le froid quand il veut ! Pour le moins il n’a pas de quoy se plaindre, ny de ressentir beaucoup d’incommoditez, car si la froideur de son espoir le gele, qu’il se rechauffe en l’ardeur de ses desirs ; que si ses desirs trop ardents le bruslent, qu’il se refroidisse aux glaçons de ses espoirs. – Il est bien necessaire, belle Silvie, respondit Ligdamon, que j’use de ce remede pour me maintenir, autrement il y a long temps que je ne serois plus, mais c’est bien peu de soulagement à un si grand feu. Tant s’en faut, la cognoissance de ces choses m’est une nouvelle blesseure qui m’offense, d’autant plus qu’en la grandeur de mes desirs, je cognoy leur impuissance, et en leur impuissance leur grandeur. – Vous figurerez, repliqua la nymphe, vostre mal tel que vous voudrez, si ne croiray-je