donna pour la porter à sa maistresse, mais il la garda tout le jour, afin de mettre Guyemants en peine. Il ne se doutoit point de Ligdamon ; et voyez comme bien souvent on blesse l’un pour l’autre, car le poison qui fut preperé pour Guyemants toucha tant au cœur à Ligdamon, que ne pouvant le dissimuler, afin de n’en donner cognoissance, il se retira en son logis, où apres avoir quelque temps envenimé son mal par ses pensers, il print la plume, et m’escrivit tels vers.
Madrigal sur l’espée de Silvie
entre les mains de Clidaman
Amour en trahision
D’une meurtriere espée,
Mais non passans raison,
De mon bon-heur l’esperance a coupée ;
Car ne pouvant payer
Ma grande servitude,
Par un digne loyer,
Qui l’excusast de son ingratitude,
Il veut me traiter finement,
Plustost en soldat qu’en amant.
Et au bas de ces vers il adjousta ces paroles :
Il faut advouer, belle Leonide, que Silvie fait comme le soleil, qui jette indefferemment ses rayons sur les choses plus viles, aussi bien que sur les plus nobles.
Luy-mesme m’apporta ce papiers, et ne peus, quoy que je m’y estudiasse, y rien entendre, ny tirer de luy autre chose, sinon que Silvie luy avoit donné un grand coup d’espée ; et, me laissant, s’en alla le plus perdu homme