Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/115

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne veux point d’autre vengeance de vostre temerité, que la peine que vous en aurez. Recognoissez vous à l’advenir, et me recognoissez. A Dieu, et vivez :

Je luy escrivis ces mots au bas de la lettre, afin qu’il esperast mieux, ayant un si bon second.

Billet de Leonide

à Ligdamon, dans la response de Silvie.

Leonide a mis la plume en la main à ceste nymphe. Amour le vouloit, vostre justice l’y convioit, son devoir le luy commandoit, mais son opiniastreté avoit une grande deffense. Puis que ceste faveur est la premiere que j’ay obtenue pour vous, guerissez vous, et esperez.

Ces billets luy furent portez si à propos, qu’ayant encor assez de force pour les lire, il veit le commandement que Silvie luy faisoit de vivre. Et parce que jusques alors il n’avoit voulu user user d’aucune sorte de remede, depuis, pour ne desobeyr à ceste nymphe, il se gouverna de telle façon qu’en peu de temps il se porta mieux ; ou fust que sa maladie ayant fait tout son effort, estoit sur son declin, ou que veritablement le contentement de l’ame soit un bon remede pour les douleurs du corps, tant y a que depuis son mal alla toujours diminuant. Mais cela esmeut si peu ceste cruelle beauté, qu’elle ne se changea jamais envers luy, et quand il fut guery, la plus favorable response qu’il peut avoir, fut : je ne vous ayme point, je ne vous hay point aussi ; contentez vous que de tous ceux qui me pratiquent, vous estes celuy qui me desplaist le moins. Que si luy on moy la recherchions de plus grande declaration, elle nous disoit les paroles si cruelles, qu’autre que son courage ne les pouvoit imaginer, ny autre affection les supporter, que celle de Ligdamon.

Mais pour ne tirer ce discours en longueur, Ligdamon l’