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folle, repliqua-t’elle. – N’en doutez nullement, respondis-je, car pour conclusion, j’aime Ligdamon, et ne veux point voir sa perte, tant que je le pourray empescher. – Vous dites fort bien,Leonide, [me dit-elle alors en colere] ce sont icy des offices que j’ay tousjours attendus de vostre amitié. – Mon amitié [luy respondis-je] seroit toute telle envers vous contre luy, s’il avoit le tort.

En ce poinct nous demeurasmes quelque temps sans parler ; en fin je luy demanday quelle estoit sa resolution. Telle que vous voudrez, me dit-elle, pourveu que vous ne me fassiez point ce desplaisir de publier les folies de Ligdamon : car encor que je n’en puisse estre taxée, il me fascheroit toutesfois qu’on les sceust. – Voyez, m’escriay-je alors, quelle humeur est la vostre, Silvie, vous craignez que l’on sçache qu’un homme vous ait aimée, et vous ne craignez pas de faire sçavoir que vous luy avez donné la mort. – Par ce, respondit-elle, qu’on peut soupçonner le premier estre produit avec quelque consentement de mon costé, mais non point le dernier. – Laissons cela, repliquay-je, et vous resolvez que je veux que Ligdamon soit à l’advenir traitté d’autre sorte.

Et puis je continuay, qu’elle s’asseurast que je ne permettrois point qu’il mourust, et que je voulois qu’elle luy escrivist en façon, qu’il ne se desesperast plus, que quand il seroit guery, je me contenterois qu’elle en usast comme elle voudroit, pourveu qu’elle luy laissast la vie. J’eus de la peine à obtenir cette grace d’elle, toutesfois je la menaçois à tous coup de le dire ; ainsi apres un long debat, et l’avoir fait recommencer deux ou trois fois, en fin elle luy escrivit de ceste sorte.

Response de Silvie a Ligdamon

S’il y a quelque chose en vous qui me plaise, c’est moins vostre mort que toute autre ; la recognoissance de vostre faute m’a satisfaite, et