par nostre amitié. – Et quelle doit-elle estre, luy respondis-je, si elle peut souffrir que vous me cachiez quelque chose ? Croyez, Silvie, que si elle vous laisse assez de dissimulation pour vous couvrir à moy, qu’elle me donne bien assez de curiosité pour vous découvrir. – Et quoy, dit-elle, il n’y a donc plus d’esperance en vostre discretion ? – Non plus, luy dis-je, que de sincerité en vostre amitié. Elle demeura un peu muette en me regardant, et s’approchant de moy me dit : Au moins promettez moy que vous ne la verrez point, que je ne vous aye fait le discours de tou ce qui s’est passé. – Je le veux bien, dis-je, pourveu que vous ne soyez point mensongere.
Apres m’avoir juré qu’elle me diroit veritablement tout, et m’avoir adjuré que je n’enfisse jamais semblant, elle me raconta ce que je vous ay dit de Ligdamon. Et à ceste heure, continua-t’elle, il vient de m’envoyer ceste lettre, et j’ay bien affaire de ses plaintes, ou plustost de ses feintes. – Mais, luy respondis-je, si elles estoient veritables ? – le seroient, pourquoy ay-je à mes mesler, dit-elle, de ses folies ? – Pour cela mesme, adjoustai-je, que celuy est obligé d’aider au miserable, qu’il a fait tomber dans un precipice. – Et que puis-je mais de son mal ? repliqua-t’elle, pouvois-je moins faire que de vivre, puis que j’estois au monde ? pourquoy avoit-il les yeux ? pourquoy s’est-il trouvé où j’estoit ? vouliez-vous que je m’en fuisse ? – Toutes ces excuses, luy dis-je, ne sont pas valables, car sans doute vous estescomplice de son mal. Si vous eussiez esté moins pleine de perfectins , si vous vous fussiez rendue moins aimable, croyez-vous qu’il eust esté reduit à ceste extreeité ? – Et vrayement, me dit-elle en sousriant, vous estes bien jolie de me charger de ceste faute : quelle vouliez-vous que je fusse, si je n’eusse esté celle que je suis ? – Et quoy, Silvie, luy respondis-je ne sçavez-