point permis, sans le commandement d’Amasis, qui dit que c’estoit le moindre hommage qu’elle deust recevoir au nom d’un si grand dieu que l’Amour. Apres elle toutes les autres furent appellées : aux unes il rencontra selon leur desir, aux autres non ; tant y a que Galathée en eut un tres-accomply, nommé Lindamor, qui pour lors ne faisoit que revenir de l’armée de Merouée. Quant au mien, il s’appelloit Agis, le plus inconstant et trompeur qui fut jamais. Or de ceux qui furent ainsi donnez, les uns servirent par apparence, les autres par leur volonté ratifierent à ces belles la donation que le hazard leur avoit fait d’eux ; et ceux qui s’en deffendirent le mieux, furent ceux qui auparavant avoient desja conceu quelque affection.
Entre autres le jeune Ligdamon en fut un : cestuy-cy escheut à Silere, nymphe à la verité bien aymable, mais non pour luy, qui avoit des-ja disposé de ses volontez. Et certes ce fut une grande fortune pour luy d’estre alors absent ; car il n’eust jamais fait à Silere le feint hommage qu’Amasis commandoit, et cela luy eust peut-estre causé quelque disgrace. Car il faut, gentil berger, que vous sçachiez, qu’il avoit esté nourry si jeune parmy nous, qu’il avoit point encor dix ans quand il y fut mis, au reste si beau et si adroit en tout ce qu’il faisoit, qu’il n’y avoit celle qui n’en fist cas, et plus que toutes Silvie, estant presque de mesme aage. Au commencement leur ordinaire conversation engendra une amitié de frere à sœur, telle que leur cognoissance estoit capable e recevoir. Mais à mesure que Ligdamon prenoit plus d’aage, il prenoit aussi plus d’affection ; si bien que l’enfance se changeant en quelque chose de plus rassis, il commença sur les quatorze ou quinze ans, de changer en desirs ses volontez, et peu à peu ses desirs en passions. Toutesfois il vesquit avec tant de discretion que Silvie