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leur vie plus particuliere, et afin qu’en se promenant il les peust mieux ouyr, elles le mirent entre elles, et marchant au petit pas, Leonide commença de ceste sorte.

Histoire de Silvie

Ceux qui dient que pour estre aimé, il ne faut qu’aimer, n’ont pas esprouvé ny les yeux, ny le courage de ceste nymphe ; autrement ils eussent cogneu, que tout ainsi que l’eau de la fontaine fiut incessamment de sa source, que de mesme l’amour, qui naist de ceste belle, s’esloigne d’elle le plus qu’il peu. Si oyant le discours que je vay faire, vous n’advouez ce que je dis, je veux bien que vous m’accusiez de peu de jugement.

Amasis, mère de Galathée, a un fils nommé Clidaman, accompagné de toutes aimables vertus qu’une personne de son aage, et de sa qualité peut avoir, car il semble estre nay à tout ce qui est des armes, et des dames. Il peut y avoir trois ans, que pour donner cognoissance de son gentil naturel, avec la permission d’Amasis, il fit un serviteur à toutes les nymphes, et cela non point par election, mais par sort ; par ce qu’ayant mis tous les noms des nymphes dans un vase, et tous ceux des jeunes chevaliers dans l’autre, devant toute l’assemblée, il prit la plus jeune d’entre nous, et le plus jeune d’entr’eux : au fils il donna le vase des nymphes, et à la fille celuy des chevaliers. Et lors, apres plusieurs sons de trompettes, le jeune garçon tira, et le premier nom qui sortir, fut Silvie ; soudain on en fit faire de mesme à la jeune nymphe, qui tira celuy de Clidaman. Grand certes fut l’applaudissement de chacun, mais plus grande la gentillesse de Clidaman, qui apres avoir receu le billet vint, un genouil en terre, baiser les mains à ceste belle nymphe, qui toute honteuse ne l’eust