Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/105

Cette page n’a pas encore été corrigée

icy hier, dont l’une est Leonide, niepce d’Adamas, l’autre est Silvie, fille de Deante le glorieux ; et certes elle n’est pas sa fille sans raison, car c’est bien la plus altiere en ses façons que l’on puisse voir. Ainsi receut Celadon le premier advertissement de la bonne volonté de Galathée, car encor qu’il n’y eust chiffre, ny signature au billet qu’il avoit receu, si jugea-t’il bien que cela n’avoit point esté fait sans qu’elle le sceut. Et dés lors il previt que ce luy seroit une surcharge à ses ennuis, et qu’il s’y falloit resoudre.

Voyant donc que la moitié du jour estoit presque passée, et se trouvant assez bien, il ne voulut demeurer plus long temps au lict, croyant que plustost il en sortiroit, plustost aussi pourroit-il prendre congé de ces belles nymphes. S’estant levé en ceste deliberation, ainsi qu’il sortoit pour s’aller promener, il rencontra Leonide et Silvie, que Galathée, n’osant se lever, ny se monstrer encor à luy ; de honte du billet qu’elle luy avoit escrit, luy escrit, luy enoyoit pour l’entretenir. Ils descendirent dans le jardin. Et parce que Celadon leur vouloit cacher son ennuy, il se monstroit avec le visage le plus riant qu’il pouvoit dissimuler, et feignant d’estre curieux de sçavoir tout ce qu’il voyoit : Belles nymphes, leur dit-il, n’est ce pas pres d’icy où se trouve la fontaine de la Verité d’amour ? je voudrois bien, s’il estoit possible, que nous la veissions. – C’est bien pres d’icy, respondit la nymphe, car il ne faut que descendre dans ce grand bois ; mais de la voir il est possible, et il en faut remercier ceste belle qui en est cause, dit-elle en monstrant Silvie. – Je ne sçay, repliqua-t’elle, pourquoy vous m’en accusez ; car quant à moy je n’ouys jamais blasmer l’espée, si elle couppe l’imprudent qui met le doigt dessus. – Il est vray, respondit Leonide, mais si ay bien moy celuy qui en blesse, et vostre beauté n’est pas de celles qui se laissent