vous qu’il n’ayt pas assez e courage pour la laisser ? – O Madame, rayez cela de vostre esperance, dit Leonide ; s’il n’a point de courage, il ne ressentira pas, et s’il en a, un homme genereux ne se divertit jamais d’une entreprise pour les difficultez. Ressouvenez-vous pour exemple, de combien de desdains vous avez usé contre [72/73] Lindamor, et combien vous l’avez traicté cruellement, et combien il a peu fait de cas de tels desdains ny de telles cruautez. Mais qu’il soit ainsi, que Celadon, pour estre enfin un berger, n’ait pas tant de courage que Lindamor, et qu’il fléchisse aux coups d’Astrée, qu’esperez-vous de bon pour cela ? pensez-vous qu’un esprit trompé soit aisé à retromper une seconde fois en un mesme sujet ? Non, non, madame, quoy qu’il soit et de naissance, et de conversation entre des hommes grossiers, si ne le peut-il estre tant, qu’il ne craigne de se rebrusler à ce feu, dont la douleur lui cuit encore en l’ame. Il faut [et c’est ce que vous pouvez esperer de plus avantageux] que le temps le guerisse entierement de ceste brusleure, avant qu’il puisse tourner les yeux sur un autre sujet semblable, et quelle longueur y faudra-t’il ? Et cependant, sera-t’il possible d’empescher si long temps que les gardes qui ne sont qu’en ceste basse cour, ne viennent à le sçavoir ? ou en le voyant [car encore ne le pouvez-vous pas tenir tousjours en une chambre] ou par le rapport de Meril, qui [encor qu’assez discret pour son aage] est enfin un enfant ? – Leonide, luy dit-elle, cessez de vous travailler pour ce sujet, ma resolution est celle que je vous ay dite ; que si vous voulez ne faire croire que vous m’aimez, favorisez mon dessein en ce que vous pourrez, et du reste laissez-m’en le soucy. Ce matin, si le mal de Celadon le permet [il me sembla qu’hier il se portoit
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