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quelque creance, que vous le vous figurez. – Madame, respondit-elle, je ne me mescognoistray jamais tant, que je ne recognoisse tousjours ce que je vous doy ; mais puis que je vous trouvez si mauvais ce que mon devoir m’a fait vous dire, je proteste dés ici, que je ne vous donneray jamais occasion d’entrer pour ce subjet en colere contre moy. – C’est une estrange chose que vous, repliqua Galathée, qu’il faille que vous ayez tousjours raison en vos opinion ! Quelle apparence y a-t’il, que l’on puisse sçavoir que Celadon soit icy ? Il n’y a ceans que nous trois, Meril, et ma nourrice, sa mere : pour Meril, il ne sort point, et outre cela, il a assez de discretion pour son aage. Pour ma nourrice, sa fidelité m’est assez cogneue, et puis ç’a esté en partie par son dessein, que le tout s’est conduit de cette sorte. Car luy ayant raconté ce que le druyde m’avoit predit, elle qui m’aime plus tendrement que si j’estois son enfant propre, me conseilla de ne dedaigner cet advertissement ; et parce que je luy proposay la difficulté du grand abord des personnes qui viennent ceans quand j’y suis, elle mesme m’advertit de feindre que je me voulois purger. – Et quel est vostre dessein ? dit Leonide. – De faire en sorte, respondit Galathée, que ce berger me vueille du bien, et jusques à ce que cela soit, de ne le point laisser sortir de ceans ; que si une fois il vient à m’aimer, je laisseray conduire le reste à la fortune. – Madame, dit Leonide, Dieu vous en donne tout le contentement que vous en desirez ; mais permettez moy de vous dire encore pour ce coup, que vous vous ruinez de reputation. Quel temps faut-il pour déraciner l’affection si bien prise qu’il porte à Astrée, la beauté, et la vertu de laquelle on dit estre sans seconde ? – Mais, interrompit incontinent la nymphe, elle le desdaigne, elle l’offense, elle le chasse : pensez-